LA SUBSTANCE DU MERVEILLEUX



L’œuvre peint de Vasso Tseka s’est construit au fil de séries et de thématiques qui ont trait au mythe, voire au cosmique : Genèse, Orphée, Anges, Temps (Temps passant puis Temps venant ). L’artiste d’origine grecque présente aujourd’hui un ensemble de toiles réunies autour du Conte.

La substance du merveilleux infuse au cœur même de la matière picturale si particulière à l’artiste: ses magnifiques bleus, ses rouges orangés éclatants, ses contrastes subtils, servis par une touche aérienne, mais soutenue par un dessin nerveux, volontaire à l’image de la plasticienne, construisent des espaces mystérieux, des clairières lumineuses et des chemins ombreux où le regard se perd, où la pensée entre en contemplation. Dans ces méandres fascinants, chacun guette les traces des contes de son enfance, au détour d’une forme que l’on trouve allusive, et puis, plonge dans les ondes colorées où voguent aussi nos mythes intérieurs.

Rarement n’a fait autant mouche que cette technique de glacis affectionnée par l’artiste ! En effet, après avoir abordé la surface par le dessin, Vasso Tseka superpose ceux-ci patiemment, longuement, introduisant dans ses pigments de pastel, des coulées d’or et d’argent qui diffusent leur lumière en se mariant dans la masse. Le choix du pastel répond à ce processus créateur, l’huile étant trop lente à sécher. C’est donc couche après couche que l’œuvre est construite, en un recouvrement progressif, qui ménage les ouvertures, assure les contrastes, rétablit les équilibres. Un travail de patience dont la rigueur étonne, car elle atteint à des compositions d’une légèreté et d’une fluidité aériennes.

Vasso Tseka aime les défis. Elle qui aime la rigidité du carton s’est emparée de la toile, comme une épreuve à surmonter car elle en redoutait la légèreté. Vasso Tseka estime en effet aborder chaque nouvelle série comme si elle était à l’aube de sa carrière : « Je n’ai pas avancé depuis mes débuts. Je suis toujours élève ». Une phrase aveu, que la contemplation de ses Contes invite à méditer.


Anne Hustache

AICA 2020

photo © Renaud Schrobiltgen